Biographie
Artiste autodidacte, […] les sculptures [d’Hervé Spycher ] sont soigneusement préméditées. Un thème survient et exige d’exister, par tous les moyens, par toutes les techniques. Or, ce besoin de création oriente dès lors les choix de vie de Hervé Spycher qui se forme aux techniques de travail des matières qui constitueront ses oeuvres.
Ébéniste, soudeur, tailleur sur pierre, ses oeuvres reflètent sa curiosité et son approche pratique du métier d’artiste.
Sa série de bronzes qui explore les figures classiques de la mythologie occidentale témoigne d’une maturation de son art néanmoins fidèle à son style personnel ; le “Self Made Sculpture” ou SMS. Self-made Man et Short Message Service conjuguent leurs substances dans ce bricolage linguistique. Si l’artiste s’est fait lui-même, son rôle est celui d’un passeur d’idées, d’un téléphore d’inspirations.
Les créations de Hervé Spycher ont ainsi la taille et l’astuce de petits compagnons de jeu, réminiscences de sa culture marquée par la télévision des années 1980 et, comme les SMS, elles sont des messages digitaux, de ceux que l’on pianote avec les doigts et qui semblent inviter les nôtres à la découverte.
[…]La recherche de l’équilibre est une de ces platitudes qui se décline à toutes les modes, du savoir-vivre à la spiritualité, et qui semble se complaire à oublier ses origines. […] trouver l’équilibre, pour l’artiste plasticien, c’est lutter contre la gravité terrestre ; voir s’effondrer son travail, recommencer, rogner, tourner, souder, courber, suspendre ses mains dans l’attente de la chute, et vaincre, car l’oeuvre se tient enfin d’elle-même, comme le démontre M.Newton.
[…] Artiste de son temps, Hervé Spycher engage une réflexion sur la revalorisation des objets et des fragments obsolètes abandonnés dans le sillage monstrueux du consumérisme contemporain. Il dépasse de façon originale le thème classique du memento mori en utilisant dans ses oeuvres des fragments d’animaux empaillés puis mis au rebut. Jeter une machine cassée et jeter un iguane momifié qui ornait une étagère ; s’agit-il du même geste? Cette démarche s’accorde avec une conception du métier d’artiste ; Hervé Spycher se voit ainsi comme un vecteur, un pêcheur d’idées de passage qu’il transforme et restitue au fil du monde sous la forme d’un nouvel objet, un bel objet, qui nous rappelle qu’il a vécu, qu’il peut d’exister autrement et à qui nous pouvons donner une seconde chance.
Les citoyens de la décharge publique semblent ainsi converger dans son atelier pour fonder leur propre nation, où le sabot de l’un s’échange avec la corne de l’autre, sans préoccupation sérieuse du mien et du tien. À travers ces carcasses travaillées pour être conservées, Hervé Spycher soulève le problème de la contagion du jetable de l’objet vers le vivant et donc l’humain, de l’obsolescence des outils à celle des hommes. Fragmentées et dispersées dans les différentes pièces de sa série Chimère, les pattes, têtes et carapaces n’insistent donc pas sur la sentence d’une mort certaine mais demandent ce qu’il restera de nous, ce qu’il reste à faire de nos restes.
Extraits du texte du Dr Marion APFFEL paru dans le livre «Autoportraits et portraits d’artistes peintres alsaciens» de René Wetzig